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Ces paradis fiscaux où les banques multiplient les milliards : rapport de l’ONG Oxfam "Banques en exil : comment les grandes banques Européennes profitent des paradis fiscaux " et Tribune parue dans Le Monde le 3 avril 2017.

Les 20 plus grandes banques européennes, dont plusieurs sont françaises, sont très actives dans les paradis fiscaux et financiers. Elles y ont réalisé 25 milliards d’euros de bénéfices en 2015, soit plus du quart de leurs profits totaux.

Afin de rendre les activités des grandes banques européennes dans les paradis fiscaux le plus claires possible et pointer les grandes aberrations, Oxfam a créé deux indicateurs. Celui de productivité d’abord, qui rapporte les profits réalisés par une banque dans un pays au nombre de salariés qui y travaillent.

Ainsi les 42 employés de la banque anglaise Barclays au Luxembourg battent tous les records : ils sont parvenus à générer 557 millions d’euros de bénéfices en 2015, amenant la productivité moyenne par employé à 13,3 millions, ce qui est 348 fois supérieur à la moyenne globale de la banque (38 000 euros).

La Deutsche Bank, quant à elle, a atteint une productivité moyenne par employé au Luxembourg de 1,9 million d’euros pour l’année 2015, pays dans lequel elle a dégagé le plus de bénéfices (1,2 milliard d’euros). En comparaison, en Inde, la Deutsche Bank génère 2,5 fois moins de bénéfices qu’au Luxembourg avec 19 fois plus d’employés. Et les exemples sont nombreux. « On s’est aussi aperçu que ces banques réalisaient près de 650 millions d’euros de bénéfices dans des pays où elles n’ont aucun employé, pointe Manon Aubry, de chez Oxfam France. Par exemple, 134 millions d’euros de bénéfices sont engrangés par la BNP aux îles Caïmans, sans aucun salarié. »

Oxfam propose également un indicateur de profitabilité, qui permet de rapporter les bénéfices au chiffre d’affaires. « On a des situations ubuesques où des banques font plus de bénéfices que de chiffre d’affaires, dénonce Manon Aubry. Par exemple, la Société générale réalise en Irlande un bénéfice de 39 millions d’euros, 4 fois plus important que son chiffre d’affaires, c’est-à-dire l’ensemble de ses produits bancaires (9 millions). C’est comme si, lorsqu’on achète une baguette à 1 euro chez le boulanger, cela lui en rapportait 4. N’importe qui voudrait devenir boulanger à ce prix-là… »

 Ces records de profitabilité sont vraiment frappants en Irlande. RBS, la Royal Bank of Scotland, y a enregistré 1,140 milliard d’euros en bénéfices pour un chiffre d’affaires de 763 millions, soit une marge bénéficiaire de 150 %. Cela pose question.
Des chiffres d’affaires en hausse de 7 % en moyenne, l’année dernière

Pour Oxfam, c’est un signe que les banques y déplacent artificiellement des revenus réalisés dans d’autres pays. « Il peut y avoir d’autres raison, Barclays nous dit par exemple que c’est depuis le Luxembourg qu’ils versent des dividendes… admet Manon Aubry. Mais si ces situations n’arrivent que dans des paradis fiscaux, ce n’est pas un hasard… »

Les banques européennes utilisent ces pays pour transférer des bénéfices, maximiser les profits et contourner des réglementations. Et il ne faut pas l’oublier : les banques s’y implantent pour permettre l’évasion fiscale de leurs clients.

Avec des chiffres d’affaires en hausse de 7 % en moyenne l’année dernière pour les banques, la publication obligatoire des données depuis 2015 – le reporting public pays par pays – ne semble pas porter préjudice aux profits du secteur.

Un rapport du bureau européen de Transparency International publié fin 2016 le démontre également.

 En France, le Conseil constitutionnel a pourtant avancé cet argument pour censurer l’article de la loi Sapin 2 qui voulait étendre cette mesure de transparence aux multinationales. « Cela prouve que cette censure n’était qu’une décision politique visant à cacher que les multinationales pratiquent l’évasion fiscale », assure Manon Aubry.

De nouvelles échéances apportent un mince espoir de corriger le tir. En avril 2016, le Conseil européen a proposé d’imposer le reporting public pays par pays pour les très grands groupes.

Ce projet va être voté en mai en commission puis en juin en plénière. Problème, ce texte est pour l’instant très partiel. Il ne concernerait qu’une partie des pays dans lesquels les multinationales auraient des activités et les très grands groupes réalisant plus de 750 millions de chiffre d’affaires, excluant de facto près de 90 % des multinationales.

« Avec ce rapport sur les banques, on veut montrer aux parlementaires européens que la transparence est utile, et qu’il faut faire la même chose pour les multinationales, assure Manon Aubry. Mais il faut qu’ils comprennent qu’en l’état ce texte est inexploitable. »

Ce qui coince, c’est aussi que de tels chiffres montrent qu’au cœur de l’Europe, des paradis fiscaux abusent du dumping fiscal et octroient des avantages, voire des exonérations de taxes directement négociés avec l’administration… « Ces pratiques poussent des pays comme la France à baisser leur impôt sur les sociétés de 33 % à 28 %, déplore Manon Aubry. Et plusieurs candidats veulent encore le baisser à 25 %. C’est un aveu d’échec. C’est-à-dire qu’on accepte que des multinationales payent le moins d’impôt possible. Et les conséquences sont lourdes : moins d’argent dans les caisses de l’État, la poursuite des politiques d’austérité qui plombent l’Europe. Et que l’on compense avec ce qui est le plus facile à taxer, les gens comme vous et moi, avec des hausses de TVA, une taxe terriblement injuste. »

Cette tendance est globale. Au sein de l’OCDE, l’impôt sur les sociétés a baissé en moyenne de près de 6 points en quinze ans, et cela s’accélère. À l’inverse, la TVA n’a cessé d’augmenter et représente en France la moitié des recettes fiscales. D’un taux proche de 0 en 1965, la TVA dépasse en moyenne les 21 % dans les pays de l’OCDE depuis la crise.
Comment définir un paradis fiscal

L’Irlande, qui permet au Crédit agricole de payer à peine 2 % d’impôt, est-elle un paradis fiscal ? Cela dépend de qui propose la définition, et là réside un enjeu majeur des prochains projets législatifs nationaux et européens. L’OCDE, par exemple, se contente de dénoncer les pays non coopératifs, c’est-à-dire qui entretiennent leur opacité fiscale. On y retrouve les îles bien connues où les particuliers et les multinationales vont pratiquer l’évasion fiscale. Cette définition ne concerne donc ni l’Irlande, ni la Suisse, ni le Luxembourg... C’est pourquoi les ONG militent pour ajouter à cette liste des paradis fiscaux les États qui pratiquent le dumping fiscal et ceux qui offrent des avantages fiscaux non justifiés, c’est-à-dire sans rapport avec l’activité réelle de l’entreprise dans le pays.

- Accéder à l’article paru dans le quotidien L’Humanité :

Rapport de l’OXFAM : "Banques en exil" 25.03.2017

Comment les grandes banques européennes profitent des paradis fiscaux
Dans leur nouveau rapport « Banques en exil : comment les grandes banques européennes profitent des paradis fiscaux », l’ONG Oxfam et le réseau Fair Finance Guide International livrent une analyse inédite des activités des 20 plus grandes banques de l’Union européenne, en s’appuyant sur des données issues du « reporting pays par pays public », une obligation de transparence instaurée par l’Union européenne. Au terme de ce premier exercice de transparence pour toutes les banques européennes, le bilan est sans appel : les paradis fiscaux tiennent toujours une place prépondérante dans les activités des principales banques européennes.

 Ce rapport démontre qu’elles déclarent 1 euro sur 4 de leurs bénéfices dans les paradis fiscaux, soit un total de 25 milliards d’euros pour l’année 2015. Un montant en déconnexion complète avec la réalité économique de ces territoires, qui ne représentent que 5 % du PIB mondial et 1 % de la population mondiale.

Ce rapport démontre également que :

 Si les 20 plus grandes banques européennes déclarent 26 % de leurs bénéfices dans les paradis fiscaux, soit 25 milliards d’euros en 2015, elles n’y déclarent que 12 % de leur chiffre d’affaires et 7 % de leurs employés.

 Les 20 banques européennes déclarent au global 628 millions d’euros dans des paradis fiscaux où elles n’ont pourtant aucun employé et 383 millions d’euros de bénéfices sur lesquels elles ne payent pas un seul euro d’impôts.

 Dans les paradis fiscaux, les employés des 20 plus grandes banques européennes sont 4 fois plus productifs qu’un employé moyen au niveau global.

 Les activités des 20 banques européennes sont plus de 2 fois plus lucratives dans les paradis fiscaux que dans les autres pays. Pour 100 euros de chiffre d’affaires, les banques européennes déclarent 42 euros de bénéfices dans les paradis fiscaux, contre 19 euros en moyenne.

Cette utilisation abusive des paradis fiscaux par les plus grandes banques européennes témoigne de l’utilisation multiple qu’elles peuvent en faire : délocaliser artificiellement leurs bénéfices pour réduire leur contribution fiscale, faciliter l’évasion fiscale de leurs clients ou contourner leurs obligations réglementaires. Le rapport met par ailleurs en lumière les paradis fiscaux qui ont aujourd’hui la préférence des banques européennes.
Dans le peloton de tête, aux côtés d’Hong-Kong, le Luxembourg et l’Irlande se démarquent dans la course effrénée à la concurrence fiscale.

Télécharger le rapport complet de l’ONG OXFAM

Un an après les « Panama Papers » : « Comment se fait-il que les systèmes fiscaux deviennent de plus en plus régressifs ? »

Dans une tribune au « Monde », un collectif d’organisations – dont CCFD-Terre Solidaire, Transparency, Oxfam, le Secours catholique, Attac, Anticor – constate que les Etats rechignent à porter un coup d’arrêt aux sociétés écrans. Les banques, pièces centrales dans la création de ces montages opaques, ne sont presque jamais inquiétées.

 TRIBUNE : Il y a un an, le 3 avril 2016 éclatait le scandale des « Panama Papers », plus importante fuite d’informations jamais exploitée par des journalistes. Des documents concernant 214 000 sociétés offshore et les noms de leurs propriétaires sont alors rendus publics à l’initiative de l’ICIJ (consortium international de journalistes d’investigations).

Derrière ces montages opaques et ces sociétés créées en cascade dans de multiples paradis fiscaux, se cache une vérité insupportable : dans le monde entier, un nombre incalculable de riches privilégié(e)s – individus ou entreprises –, aidé(e)s par de grandes banques et cabinets, cachent leur argent à l’abri des regards. Et échappent ainsi à l’impôt.

Les plus riches continuent d’échapper à l’impôt

L’onde de choc a été planétaire, la prise de conscience aussi : jamais un scandale financier n’a eu de tels retentissements dans autant de pays du monde, jamais le caractère industriel du circuit de l’argent sale n’a été aussi clairement et nettement démontré aux yeux du monde entier.

Des manifestations monstres en Islande jusqu’aux débats parlementaires initiés dans de nombreux pays, les citoyen(ne)s se sont mobilisé(e)s pour demander des réponses à leurs gouvernements.

Pourtant, un an après, nous ne pouvons que constater que les réponses n’ont pas été à la hauteur du scandale : les Etats rechignent à porter un coup d’arrêt aux sociétés écrans et les banques, pièces centrales dans la création de ces montages opaques, ne sont presque jamais inquiétées. Sur le volet de l’évasion fiscale des entreprises, les avancées sont minimes, tandis que des révélations sur des grands groupes pratiquant l’évasion fiscale à échelle industrielle se multiplient.

En parallèle, la course au moins-disant fiscal s’accélère : alors que les Etats annoncent de plus en plus de réductions d’impôt sur les sociétés, de nouvelles niches fiscales qui visent à attirer les entreprises sur leur territoire ne cessent d’être créées. Tous les pays qui se livrent à cette guerre fiscale cèdent ainsi, de leur propre chef, des recettes fiscales cruciales tout en augmentant, dans le même temps, la charge fiscale des contribuables les moins aisé(e)s et les moins mobiles. Et ce, sans même que les bienfaits de ces mesures ne soient réellement prouvés.

Le problème reste donc entier, et la question de la justice fiscale est sur la table : comment se fait-il que les plus riches continuent d’échapper à l’impôt, que les systèmes fiscaux deviennent de plus en plus régressifs, tandis que les mesures d’austérité se multiplient et que les services publics se décomposent ?

 France : 80 milliards d’euros échappent au budget de l’Etat

Chaque année, les Etats acceptent d’amputer leur budget de recettes pourtant nécessaires pour financer des services publics de qualité et pour répondre aux urgences sociales et écologiques. Si les pays en développement sont les plus impactés et se voient ainsi privés de ressources essentielles pour la santé, l’éducation, l’agriculture ou les droits des femmes, en France aussi, la facture est lourde : annuellement, plus de 80 milliards d’euros échappent ainsi au budget de l’Etat.

A trois semaines de l’élection présidentielle française, nous regrettons que ce sujet soit quasi absent du débat public et que les propositions des candidat(e)s pour y mettre un terme soient si peu nombreuses et si peu développées. En effet, lorsqu’il est question de fiscalité dans le débat électoral, c’est généralement pour annoncer de nouvelles niches fiscales ou de nouvelles baisses du taux d’impôt sur les sociétés, ce qui témoigne de l’engagement de bon nombre de candidat(e)s dans cette course au moins-disant fiscal qui s’intensifie, avec des effets désastreux sur tous les pays du monde.

Bien sûr, ces enjeux nécessitent une coordination internationale que nous appelons de nos vœux, mais au niveau français, des solutions existent pour faire en sorte que chacun paie sa juste part d’impôt.
Enjeu de justice sociale

Un an après les « Panama Papers », nous, organisations de la société civile, ONG, syndicats participons à la semaine de mobilisation contre l’évasion fiscale et appelons les candidat(e)s à s’engager à :

Mettre un terme aux sociétés écrans et aux trusts qui facilitent la fraude fiscale

Lutter contre l’évasion fiscale des grands groupes en imposant la transparence sur leurs activités et les impôts qu’ils paient.

Cesser la course à la concurrence fiscale en promouvant au niveau européen un taux plancher pour l’impôt sur les sociétés et en réduisant le nombre et le coût des niches fiscales et des régimes dérogatoires.

Mettre un terme à l’impunité fiscale en renforçant les effectifs des administrations impliquées dans la traque des délinquants financiers et en réorganisant en profondeur l’organisation de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

Véritable enjeu de justice sociale, la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales doit permettre de financer les besoins (sociaux et environnementaux) et les solidarités nationales et internationales, mais également de renforcer le consentement à l’impôt, aujourd’hui très affaibli par l’injustice fiscale.

 Les signataires : Bernard Pinaud, délégué général, CCFD-Terre Solidaire ; Dominique Plihon, porte parole d’Attac ; Birthe Pedersen, présidente, ActionAid France – Peuples Solidaires ; Claire Fehrenbach, directrice, Oxfam France ; François Xavier Ferucci, secrétaire général, Solidaires finances publiques ; Philippe Martinez, secrétaire général, CGT ; Bruno Lamour, président, Collectif Roosevelt ; Jean-Christophe Picard, président, Anticor ; Laetitia Liebert, directrice, Sherpa ; Laurène Bounaud, déléguée générale, Transparency International France ; Pauline Boyer, porte-Parole, ANV COP 21 ; Laurent Duarte, porte parole, Tournons la Page ; Laurène Bounaud, déléguée générale, Transparency International France ; Denis Viénot, secrétaire général, Justice et paix ; Chantal Cutajar, présidente, OCTFI ; Bernard Thibaud, secrétaire général, Secours Catholique-Caritas France ; Bernadette Groison secrétaire générale, FSU ; Jon Palais, porte parole, Bizi ; Florent Compain, président, Amis de la Terre France ; Alexandre Derigny, secrétaire général, CGT Finances ; Baptiste Talbot, secrétaire général, CGT Services publics ; Denis Lalys, secrétaire général, CGT Organismes sociaux ; Mireille Stivala, secrétaire générale, CGT Santé ; Pascal Franchet, président, CADTM France ; Laurent Degousée, secrétaire National, Sud Commerce ! ; Laurence Blisson, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature ; Begona Inarra, présidente, Foi et justice Afrique Europe.

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Article publié le 5 avril 2017.


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